A tout prix

j’ai pris un grand plaisir à lire A tout prix d’Ayélé Fafavi D’ALMEIDA, Editions Séproh, août 2021, (Lomé), tout commence par les aveux d’Eli, un Dom Juan, véritable assoiffé sexuel que la rencontre avec Sika, intellectuelle et imbue des études, va changer, le lecteur se demande, comment peut-on passer d’un bord à l’autre suite à quelque situation aussi banale qu’elle soit, le roman met en scène des personnages qui trainent le joug de leur histoire/passé que la famille ou les amis leur ont permis de façonner, la charge est lourde et parfois difficile à porter, ce passé détermine justement Sika, héroïne de l’ouvrage, dans ses choix et aussi dans ses peurs
la scène se déroule à Lomé, Togo donc, dans des espaces connus qui permettent au lecteur de se retrouver, de Lomé, d’autres espaces sont voulus et convoités, l’Europe, les Etats-Unis, comme toujours

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au fil des pages, des questions fondamentales se dégagent, primo, quel est l’avenir d’un couple où la femme est plus instruite que l’homme, deuxio, dans un couple, est-ce une obligation à l’homme de combler de cadeaux sa femme et ce régulièrement


le roman, A tout prix, facile à lire, est une contribution utile pour reposer les questions les plus courantes de nos sociétés, amour et situation financière, amour et distance, amour et diplôme, et autres
j’adresse mes félicitations à l’auteure, affectueusement Fafavi, discrète actrice et observatrice du paysage littéraire togolais, j’admire son engagement et sa participation à cette aventure de l’irréel

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Bulles (suite et fin)

« L’amour n’est pas du piment qu’on achète au marché » Richard Flash.

Ce que je découvre est très loin de tout ce à quoi je m’attends. A aucun moment, je ne pourrai imaginer ça. Eh Franck, tu ne changeras jamais. Eh les hommes, vous ne changerez jamais. Je me suis donc mis sur la pointe des pieds et j’ai ouvert discrètement la porte de ma chambre. Je découvre Franck et Thierry, son ami, vautrés dans le sofa, manettes en mains, canettes de bière çà et là sur la table, les yeux dans la télé en train de jouer au PlayStation. Quel est le réel rapport que les hommes ont avec le foot ? « Hum hum », me suis-je raclé la gorge.

— Eh, ma jolie. Tu ne dors pas ?

— Il est 2 h du matin, chers messieurs.

— Oui, oui, on fait la dernière partie comme ça.

— Tu dois aller au boulot demain en plus.

— Oui, on finit comme ça, me lance-t-il d’une voix atone.

— Tu m’as pourtant dit ça il y a plus de 5 h de temps.

Thierry se lève et me lance. « J’y vais de ce pas, Andréa ».

— Oui. C’est presque fini, conclut mon mari tout en gardant les yeux dans la télé.

J’abdique en fin de compte et retourne dans mon lit après m’être soulagée. Dieu seul sait l’heure où l’histoire-là va finir.

Finalement ce que redoute Franck est arrivé. Ma candidature avec l’ambassade des Etats-Unis a été admise. Demain à 7 h 00, je dois être au poste comme la semaine passée. Quitter Adidogomé pour La caisse où siège la United States Embassy of Lomé faisait à peine 15 km mais le trafic des matins laisse croire que tu en fais davantage. En explorant la question avec Franck, il m’a suggéré de quitter légèrement un peu plus tôt et passer par Todman, Gbossimé et remonter vers Campus Nord. Ce que je trouve plausible.

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Matinée loméenne.

Lundi du mois d’août.

Sur Lomé, règne une fraicheur inégalée. Des formes silencieuses squattent les avenues. Les zémidjans agités vont dans tous les sens. Aux feux tricolores, une belle littérature ambiante et ambulante s’offre à la vue : GoZem ; Olé ; Sotral ; Taxi bleu ; Kplom Dédié, Go slow ! Air Vogan-Assiko, … Et contre les murs, quelques affiches : Gros pénis : contact aa xx yy zz ; Pénis XXL ; Pénis Kponvimaliagba… Sans fioriture. Santrinos Raphael, en concert privé dans la maison d’Adébayor, Places limitées, Campagne Kpové. Loumonvi vous y attend

A l’entrée du service, je mets mon badge et passe le contrôle. J’ai sympathisé avec l’agent de sécurité qui m’appelle amicalement Madame Andréa et non Madame Durane comme mes autres collègues. Je scanne rapidement son entrejambe : gros pénis. Pénis XXXXXL. Oh my God ! Durane Andréa Akossiwa, chargé des affaires et du réseautage académique. « Vous pouvez entrer ». Thank you, sir.

Ma principale mission est d’entrer en contact avec les différentes institutions de la place et les informer du programme de bourses disponibles au sein de l’ambassade et les appuyer dans le choix des universités américaines. En cette période de crise sanitaire, moult écoles ont rompu temporairement leur accord et espèrent nous recontacter dans les mois à suivre. Cette situation me laisse assez de temps pour vaquer à mes propres occupations. En rangeant mon carton, je tombe sur une carte de vœux de Franck. Ç’a été le début de notre relation. Nous sommes rentrés de Kpalimé après un court séjour. Le lendemain, il m’a envoyé ces mots : Nous avions arpenté le mont Agou. Mais plus que les hauteurs, ce sont les bases de notre histoire que je bâtis. Soudain surgit en moi, nette comme une photographie couleur, ce moment où nos pieds caressent le flanc du plus haut sommet du Togo. La réalité de ces souvenirs flotte dans ma tête comme des fragments de merveilles rejetés à l’éternité. Que de nostalgie ! Quelle surprise heureuse !

Je me saisis de mon téléphone et l’appelle :

— Allo, monsieur mon époux !

— Madame Durane, la plus belle !

— Et le lundi ?

— Bien. Comment se déroule la deuxième semaine sur la terre de Tonton Sam ?

— On ne se plaint pas. Je désœuvre légèrement.

— OK !

— Dis, Franck, j’espère que tu n’as pas été en retard ce matin au boulot ?

— J’étais le premier à me présenter. J’avais dormi tôt hier. 22 h, si je ne me trompe.

— Tu veux rire.

Dans l’écouteur, je perçois sa respiration sifflante. Suit un bruit qui ressemble au timbre d’une tasse de thé posée sur une table en vitre. Il est sûrement en train de gérer le coup de la veille d’hier.

— Mais comment ?

— N’est-ce pas toi qui a joué au PlayStation au-delà de 2 h du matin ?

— On parle de Franck Durane, hein ! On était allés au lit autour de 22 h. Après que j’ai fini le jeu avec Thierry, fit-il, altier.

« 22 h. Tu es sûr de ça ? » l’ai-je relancé. Andréa, tu m’inquiètes. Tu hallucines de plus en plus. Tu vas dehors consulter.

Il y a eu une pause intimidante. Je fais travailler rapidement ma tête. Ai-je été dans un rêve où Franck se moque de moi ? j’hallucine vraiment ? Thierry et lui sont restés tard à la maison hier, n’est-ce pas ? Une petite voix que je n’identifie pas clairement sourit dans mon esprit. Beurk ! Je préfère raccrocher afin de voir clair dans cette affaire. (C’est tant mieux, me fit encore le timbre qui me squatte).

— On en reparle le soir, Franck. Je t’aime.

— Bisous !

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« La remarque la plus innocente peut parfois semer les idées les plus fausses et les plus difficiles » Jacqueline de Romilly.

Parfois, nulle ironie, nul dédain, nul ascendant, nulle cruauté, pourtant on s’insurge, on a l’instinct de tout prendre mal. Je range la carte et passe un coup de chiffon à l’encadré garni d’arabesques dorées de mon bureau. Une photo de ma petite famille. Mes enfants, Franck et moi. Tout ce que j’ai de plus important au monde. D’ordinaire, je les vois seulement. On est habitués. On ne fait plus attention. Sur la photo, j’ai porté une robe jaune qui a une étrange ressemblance avec celle que j’ai eu à porter l’autre nuit pour le dîner à Antovi cantine. Dans la galerie de mon téléphone, je sélectionne la photo en question et zoome légèrement afin de mieux apprécier les nuances. Antovi Cantine à l’institut français du Togo. Belle photo. Très nette : la première robe est une jaune-banane. Celle de Antovi est plutôt jaune-orange. Il y a 87 nuances pour la couleur jaune seule, ai-je appris récemment dans Togo Culture, un magazine people de la place. Intéressant ! Je zoome encore légèrement et en arrière-plan de la photo, un regard me semble familier. Une jeune femme, la vingtaine environ, un sourire éclatant qui m’a fait le doigt d’honneur.

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Ma tête s’embrume sur ce que je viens de voir. J’ai la chair de poule. Je défile. Le visage est présent dans toutes les photos de la soirée. Je parcours rapidement les clichés pris à Togonou aussi afin de vérifier cette présence. Carmen est là. Avec le doigt d’honneur. Carmen ou ce qui semble être Carmen. Je projette la galerie sur mon Mac afin de mieux voir. Carmen est présente partout : Restaurant Togonou ; Restaurant Rumba ; Greenfield Space ; O’Logde ; Antovi Cantine ; Campus Plage ; Maison Bleue… Ma tête s’assombrit davantage. Je cours sous la douche pour me rincer le visage et essuyer mes verres. De retour, les photos n’ont pas changé. Carmen est toujours là avec le doigt d’honneur. J’ai l’impression de respirer l’eau et l’air à la fois. Je délire vraiment comme le suggère Franck ? Une voix qui est différente de celle de tout à l’heure monta dans ma tête avec des propos de ma mère : « Ma fille, il faut bien faire attention. De nos jours, faire entrer un intrus dans ton ménage n’est pas une bonne chose. Il y a de petites sorcières partout à Lomé maintenant qui sont prêtes à briser les couples… » Et si c’est ce que je suis en train de vivre en ce moment !? La petite voix persifleuse me souffle encore une autre idée qui n’est plus celle de ma mère : Il faut entrer dans la chambre de Carmen cette nuit si tu veux savoir la vérité. Je tique devant ce plan. La vérité ? Mais quelle ? Ai-je engagé une sorcière à la maison ?

Midi s’annonce déjà avec toutes les lumières qui éclairent d’autres vies, de moi inconnues.

L’ambiance au marché de Hédjranawoé n’est pas la même que celle des autres jours. Bariolée. Le pasteur est toujours là. Son prêche du midi porte sur la transformation de l’eau en vin opérée par Jésus à Canaan. Il ajoute : Chères sœurs et chers frères en Christ, si c’était à Lomé, Jésus ferait du sodabi et du malafu ; à Kara, ce serait du toukoutou et de tchakpalou…

— Ça vend ? ai-je demandé à maman.

— Avec la crise sanitaire, qui veut encore acheter des pommes de terre ?

— Ça va aller. Soit dit en passant, connais-tu bien Carmen, la bonne que tu m’as trouvée ?

— Oui, la petite Carmen ainsi que sa mère, Tina. Celle qui vend des fruits là. (Elle me montre d’un doigt galbé ce qui semble être le présentoir de Tina). Des soucis ?

— Nop. Et sa mère, je veux dire Tina. Oui, Tina, elle est où ?

— Après notre échange par téléphone pour le travail de sa fille, je n’ai plus de ses nouvelles.

— Par quoi ???

— Oui, elle m’a appelé à propos de sa fille pour me demander si jamais…

— Et bien avant ça, as-tu de ses nouvelles ?

— Le mari de Tina est hospitalisé, parait-il, et elle a été entre-temps au Bénin. Ça fait longtemps. Un an ou deux.

Je la coupe sèchement. Pas de hâbleries. Je déverrouille mon Samsung Edge et le tend à ma mère. Je la somme du tout à trac :

— Appelle-la.

— Appeler qui ? pantèle-t-elle.

— Tina.

Un doigt sur les lèvres, elle s’y met.

« Si Titus est jaloux, Titus est amoureux » Racine.

Maman vient de raccrocher avec Tina. « Merci, maman. Je pense comprendre la situation maintenant ». Je la quitte et retourne au boulot. Je reste devant le cadre aux volutes d’or qui montent comme des bris de vies arrachés à l’écheveau du temps. Le cadre semble être fait pour le visage de Carmen. Je me sens étourdie, ivre d’émotions. Tout se mêle : émotion, regret, trahison mais aussi la poésie et l’émerveillement. Le coup de maître de Franck. Un coup scabreux. J’attends que sonnent 17 h. Je comprends maintenant l’essence de la relation entre Thierry et mon mari. Avec sa voiture, il amène Carmen à tous nos rendez-vous. Mince ! Je n’ai rien vu venir. Pour une sorcière, Carmen l’est vraiment. Franck, bien joué ! Le coup du siècle : Faire vivre sous le même toit, ta femme et ta maîtresse. Et tout ça parce que maman n’a pas été vigilante.

(Fin)

Merci à JAM pour m’avoir cédé gracieusement le récit. Mon mérite est simplement le travail d’écriture et la mise en contexte.

Laissez-moi vos commentaires après avoir lu l’histoire. J’espère que vous avez apprécié le voyage.

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Bulles

« Il y a une géographie amoureuse qui vaut les cartographies guerrières » Amélie NOTHOMB.

La voiture de Franck klaxonne. Je sors lui ouvrir le garage.

— Et la journée ?

— Agréable.

— Comment vont les enfants ?

— Bien. Ils dorment déjà.

« On aura donc la nuit pour nous seuls », continue mon mari en sortant du véhicule.

Il sourit et me donne une bise sur le front. On entre au salon et je le débarrasse de sa serviette.

— Tu m’aides à enlever mon costume ?

Ce que je fais comme chaque soir dès son retour. Nous dinons en suivant la télé. Il zappe un bout de match de PSG-St-Etienne avec un commentaire dormant de l’ancien lion indomptable. Sur A+, prend fin l’ultime épisode de La maitresse d’un homme marié. Franck débouchonne le Saint Emilion que j’ai mis à chambrer. Nous avons trinqué à la santé et à l’amour.

— Santé, Andréa !

— Santé, Franck !

Les bulles dorées volètent, or et jaunes, dans verre de cherry. Il m’observe sur un moment. Repose sa coupe et m’interroge :

— Tout va bien, ma jolie ?

— Ouais, mon cœur.

Il boit une gorgée. Repose le verre.

— Certaine ? Je ne te sens pas.

— Oui oui Fran Fran Fran Franck, ai-je bégayé.

Il zappe encore. Sur Canal+ Sport 3, un monsieur, bandeau sur la tête, émet de légers gémissements en frappant dans un tennis sur un terrain argileux. Eh Nadal ! chuchote Franck. Ça parait ennuyant. Il zappe derechef. Sur Novelas TV, passe le générique de La Dona. Il laisse la télécommande, se lève et vient me caresser les épaules sur ma chaise. « Tu peux te confier, mon amour ».

J’ai ressenti une agréable sensation au contact de ses douces mains. Ce qui me rappelle vaguement l’effet des massages Thaï dont fait tellement l’éloge Audrey, ma petite sœur, revenue de Thaïlande, il y a quelques mois. J’ai eu des frissons qui m’ont transie jusqu’aux os. Ce qui me désamorce totalement. Je me suis sentie fondue comme de la glace au soleil. Je racle la gorge et le regarde dans les yeux :

— J’y vais donc, puisque tu insistes.

Il y a une seconde de flottement. Un relent de viande grillé passe devers la pièce.

— C’est maintenant que je reconnais ma femme, celle dont je suis amoureux et celle qui m’a fait deux magnifiques enfants.

Je ressens qu’il est légèrement stressé compte tenu de mon état et de l’inconnu. Je me dis peut-être que dans sa tête, il se posera moult questions :

Andréa est à nouveau enceinte ?

Les enfants ont-ils eu des soucis à l’école ?

Ma femme a-t-elle décroché ce contrat à l’ambassade des Etats-Unis qu’il l’amènera à voyager pour une longue durée hors du Togo comme ça a été le cas au début de notre relation ?

Quelqu’un est malade ?

Nous avons quitté la table à manger pour nous allonger dans le sofa kaki en face de la télé. Une lumière sans source émane du pot de fleurs sèches. Je me recroqueville davantage contre lui. Je me racle la gorge une fois encore : « Franck, tu sais, ai-je commencé, je me sens de plus en plus abattue par le travail domestique. Le ménage, la lessive, la cuisine, les enfants à entretenir… Je sais très bien qu’au départ, c’est moi-même qui étais contre cette idée. Sauf que là, je pense sérieusement que j’ai besoin d’aide ».

— C’est juste ça le souci ? Moi qui croyais que quelqu’un était mort ?

— Loin de là, Franck. En plus, tu vas m’arrêter tes blagues là.

— C’est la moindre des soucis, Andréa. As-tu déjà pensé à quelqu’un ? Elle commence quand ?

« Pas encore, justement. Des sujets aussi sensibles doivent être discutés ensemble d’abord, tu ne penses pas ? »

— Tu as tout à fait raison. Je donne mon accord. La personne que tu trouveras peut commencer même demain. Ton choix est mon choix, Andréa, a-t-il fini dans un sourire béat.

Je reviens dans 30 minutes. Je vais chez Thierry. Il m’a demandé de passer le voir pour une urgence, ce matin.

Lundi, 27 juillet 2020.

Et combien tes parfums sont plus suaves que tous les aromates !

Tes lèvres distillent le miel, ma fiancée ;

Il y a sous ta langue du miel et du lait,

Et l’odeur de tes vêtements est comme l’odeur de Sogbossito, chante le jeune pasteur qui trône au milieu des marchands. Dans son costard noir, il transpire de partout. Tout ça me rappelle un recueil de poèmes de Renaud DOSSAVI. Chant de sables, je crois bien.

Un soleil d’enfer règne sur Lomé. La veille, il a plu pourtant. Autour de nous, l’univers est bruyant. Les gens vaquent dans tous les sens. L’odeur de poisson se mêle à celle des friperies. Ma montre n’affiche pas très exactement 11h 45. Je quitte maman au marché de Hédzranawoé pour la maison. Après avoir partagé l’idée avec elle, elle me met sérieusement en garde. « Ma fille, il faut bien faire attention. De nos jours, faire entrer un intrus dans ton ménage n’est pas une bonne chose. Il y a de petites sorcières partout à Lomé maintenant qui sont prêtes à briser les couples… »

— Stop, maman ! Ça, c’est dépassé. J’ai besoin de quelqu’un pour m’aider. Ça s’arrête là, ai-je fait dans un geste de lassitude.

Un courant nous fait parvenir Yo Pe d’Innoss B qui balaie les propos sulfureux de ma mère.

— C’est comme tu voudras. Tu es ma fille et je ne veux que ton bien.

« Bien sûr, maman. Je reste donc à ta disposition si jamais le service d’une bonne fait écho dans les parages ».

Je débloque à distance ma berline rouge et prends la route. L’asphalte semble saluer ma belle voiture que Franck m’a offerte pour mes 29 ans. Arrivée au carrefour 3K, mon téléphone sonne. Je me rabats sur le côté et décroche l’appel de ma mère. « On peut dire que tu as de la chance, ma fille. Ma voisine, Tina, celle qui vend des fruits à côté au marché, oui, Tina, elle a sa cousine qui vient d’avoir son bac et qui souhaite travailler pendant un an pour se faire un peu de sous avant de prendre le chemin du campus. Les temps sont durs, tu sais ».

Et moi qui veux recruter une coulibaly !? Mon cœur sourit devant cette nouvelle.

— Tu la connais, maman ?

— Oui, c’est une petite fille très sage. Sa mère et moi sommes amies. Pour elle, je peux donner ma tête à couper. Tu as trouvé celle qu’il te faut, ma fille.

— Sûre, maman !?

« Rassure-toi ma fille. Une jeune fille très respectueuse. Je lui indique la maison et elle passera avec ses bagages ».

Puisse le Ciel faire que je n’engage pas une serial killer à la maison !

Au bout du fil, elle entre dans un marchandage sans fin avec un client. Ils se montrent, eux deux, intransigeants sur un reliquat de 200 F. Ah, cette vieille ! Elle n’a jamais appris à lâcher prise. OK ! Je le prends à 2 000, finit par accepter l’autre.

Tu es là ?

Oui, maman.

Dans l’écouteur, je l’entends boire un sachet d’eau. Elle tousse légèrement.

C’est ça, hein. Elle passera. Tâche de voir ça avec Franck.

Merci, maman.

L’espace d’une seconde, je sens une joie m’envahir.

La rencontre s’est bien déroulée. Nous avons donc eu un accord de principe et dès le lendemain, Carmen pourra commencer le travail. UN FAUX PAS DE SA PART RENDRA TOUT ÇA REDHIBITOIRE. Enfin presque. Je l’ai acceptée ad libitum.

C’est fait.

C’est simple comme bonjour pourtant.

Un peu biscornu, en passant !

Franck m’a aidée à aménager la chambre des invités au rez-de-chaussée. Pour une bonne, Carmen a presque tout. Une chambre avec salle d’eau attenante, un lit, une psyché intégrée, un salaire de 60 000 que Franck avait généreusement arrondi à 100 000 F. « Eh, ma chochotte ! Elle doit préparer son entrée à l’université, Andréa. Ne sois pas dure avec elle, s’il te plait » fait-il de son air infatué. Putain de don quichotte ! chante une voix dans mon esprit.

Six mois après…

Ce qui m’a le plus intéressée depuis l’arrivée de Carmen, c’est que l’ambiance a changé à la maison. En plus d’avoir un appétit lilliputien, elle est très économe. Elle fait impeccablement les achats si bien qu’elle revient à la maison avec des marges impressionnantes. Mes enfants ont appris à l’aimer tout de suite. Non seulement elle prend soins des enfants, elle les aide à lire, faire des opérations de calcul, de coloriage… Elle m’a éberluée. Franck, plus que moi. Nous l’apprécions in petto. Franck et moi sommes donc libres les weekends et multiplions sorties sur sorties. Restaurant Togonou arrosé avec Louis Roederer ; Restaurant Rumba arrosé avec Cristal ‘Gold ; Greenfield Space arrosé avec Brut Millésime ; O’Logde arrosé avec Dom Perignon ; Antovi Cantine inondé avec White Gold Brut ; Campus Plage arrosé avec Krug ; Maison Bleue, avec Orfèvres… Je ne pourrai rêver ménage aussi épanoui et fastidieux. Je tombe davantage amoureuse de Franck.

Il sonne 2 heures. Une pressante envie me sort des bras de Morphée. Récemment un best-seller mondial a prétendu que les femmes se réveillent 3 fois pour uriner. Je chasse fissa cette idée à la noix de la tête. Mes oreilles croient entendre des bruits, non plutôt des raffuts venant du salon. Je me mets sur la pointe des pieds et j’ouvre la porte. (A suivre… Laissez moi un petit commentaire à la suite de la lecture…)